Parfois la chance vous sourit : une journée ensoleillée, avec des voiles de brume échevelée. Une colonie de hérons affamés et le pêcheur le plus vorace est, par bonheur, le plus proche du téléobjectif. Grande leçon d’efficacité : immobilité absolue, contrairement aux aigrettes qui s’agitent en tous sens, remuent la vase et rident le plan d’eau. Regard impénétrable. Brusque détente. Simple coup de tête dans l’eau ou grand jeu, ailes déployées. Le bec ressort de l’eau avec une proie, le plus souvent capturée en son milieu, parfois un peu plus “tirée par les cheveux”, expression étrange en matière de gardons…
Ensuite, quelques mouvements larges du cou et la pression du bec viennent rapidement à bout des derniers soubresauts de l’habitant de l’étang.
Il faut alors placer le poisson dans le bon sens, tête en avant pour faciliter la descente dans l’œsophage, ce qui se fait au prix d’ouvertures en grand du bec, sans que la proie ne retrouve l’élément liquide. Quelle maestria !
Le contrejour permet d’observer un voile membraneux qui, sans atteindre la taille de celui des pélicans, se déploie temporairement avant la glissade terminale vers le tube digestif.
Au début on se laisse surprendre par la fulgurance des plongeons, puis on finit par remarquer des petits signes avant-coureurs dans la posture du héron, ce qui n’empêche pas de passer plusieurs minutes le doigt sur le déclencheur pour stabiliser la mise au point, jusqu’à la crampe. Mais quel spectacle !