La bêtise de l’Homme n’a d’égale que sa cruauté.
Voilà un spectacle de plus en plus fréquent dans les campagnes : des corbeaux pendus à une potence pour servir d’épouvantail ! Le problème réside dans la totale inefficacité du dispositif, puisque leurs congénères continuent de fréquenter le champ où les victimes sont exposées ! Les corbeaux sont indifférents à la mort d’un des leurs. Leur philosophie de la vie se résume à un axiome bien pensé : tout ce qui vit mourra un jour. Vivons en retardant le grand passage. Ils n’ont pas de dieu qui leur garantit l’éternité.
Pire, on pourrait les soupçonner de partager quelques sentiments humains : le goût du sang, celui des combats de boxe, de la corrida et autrefois des exécutions publiques qui rassemblaient les foules, faisaient couler l’adrénaline dans les veines des spectateurs et remplissaient les poches des bistrotiers de la place. Dommage ! On a supprimé la peine de mort et les dernières exécutions ont eu lieu à huis clos, ou presque : dans la cour des prisons sous le regard de codétenus pétrifiés aux fenêtres à barreaux de leurs cellules.
Le fermier en tuant quelques oiseaux noirs s’est fait plaisir avec son fusil : Ah ! Ça fait du bien de ne pas devoir attendre l’ouverture de la chasse pour sortir son jouet préféré, bien que celui-ci ne lui confère aucun surcroît de virilité, hélas ! Mais il ne s’en est pas encore rendu compte ! Il a un sentiment de toute puissance en prenant la vie. Et puis, les corbeaux occis serviront d’exutoire à la mauvaise qualité de la récolte ou à sa faible abondance. Sales bêtes !
Quand Van Gogh a peint des corbeaux, beaucoup y ont vu l’annonce de sa démence. Faites attention : si vous photographiez un paysage campagnard et qu’il se trouve sur le cliché quelques volatiles en robe sombre, vous risquez la camisole de force. Leur figuration témoigne de votre dérangement mental !
Y a-t-il trop de corbeaux ? C’est sûr qu’on en voit plus que de passereaux ou de rapaces ! Parce que les passereaux et les rapaces ont vu leur population diminuer de 80% pour certaines espèces. On a remembré (comprendre : arraché les haies), on persiste à massacrer renards et blaireaux (des nuisibles comme la chouette effraie qui porte malheur…), et pour endiguer la surpopulation de rongeurs et de campagnols qui constituaient l’alimentation de base d’Ysengrin, on épand des pesticides qui empoisonnent notre alimentation, tuent les abeilles, les insectes et les oiseaux qui s’en repaissent.
OGM : organisme génétiquement modifié. Si en modifiant le génome d’une plante alimentaire, on lui assure une meilleure résistance aux dérèglements climatiques ou de moindres besoins en eau : pourquoi pas ? Si le but (inavoué) est de créer des semences stériles que l’agriculteur devra racheter chaque année à Bayer-Monsanto : surtout pas !
Il faut se souvenir d’une règle de base de la Nature : quand une espèce prolifère, c’est que son prédateur a disparu. Quand on trouve beaucoup de renards, c’est qu’il y a suffisamment de petits rongeurs pour leur servir de repas. Si ceux-ci viennent à manquer, les renards cessent de se reproduire. Ils ne bénéficient pas de prestations sociales pour l’entretien de leurs enfants quand les ressources s’épuisent !
Si les agriculteurs estiment qu’il y a trop de corbeaux, c’est sans doute parce qu’on cultive trop de maïs. Fragiles équilibres. Et puis, dans un pays où l’on fait des procès parce qu’on entend un coq chanter (Maurice) ou qu’on l’empoisonne (Marcel), il ne faut s’étonner de rien et plus particulièrement pas du massacre silencieux de la biodiversité.
Lisez l’extraordinaire livre de Fabrice Cahez : Terre de renards. L’auteur illustre son propos de magnifiques images et c’est le renard qui raconte son épopée. “au deuxième coup de fusil, le martin-pêcheur s’est envolé”.
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